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Histoires de Voyageurs et émigrants


Ste Marie, 1848
Ste Marie, 1850 

   Essai d'émigration et de colonisation d'indigents flamands à 
Ste Marie, Comté d'Elk, dans la Pennsylvanie


1849

 
De délais en délais, l'accord avec les propriétaires des terrains en Pennsylvanie est prolongé. Des lettres de Beleke aux R.P. Rédemptoristes l'attestent :

Lettre de Mr Beleke au R. P. Pilat, du 22 avril 1849.

Emmitsburg, Maryland,

Comme vous le savez, j'ai visité l'année dernière la Belgique pour l'affaire de la Colonie Catholique de Ste Marie. Les nombreuses  lettres de recommandation de la part des Évêques et du Gouvernement de l'Amérique ont fait impression sur le Gouvernement Belge.

Un contrat dont la teneur vous est connue fut conclu entre moi et le ministre Rogier, et Mr DeHam fut envoyé pour s'assurer de la situation, du climat et des espérances que présente la Colonie. Mais comme quelques changements avaient eu lieu dans le premier contrat, ces modifications ont eu besoin de l'approbation du Gouvernement belge, ce qui n'a pas encore eu lieu.

Il faut cependant une déclaration définitive avant le 1er juin. Non seulement les propriétaires de la Colonie et les Pères de votre méritante Compagnie, mais aussi tous les Colons en attendent avec le plus grand empressement le résultat. Beaucoup de prières se font aussi à cette fin.

 Si le contrat avec le Gouvernement belge se réalise, Ste Marie deviendra une des plus florissantes colonies des Etats-Unis. Des villages et des villes avec Églises & Écoles s'élèveront et attireront des Capitalistes qui établiront des usines et des fabriques et par là, le bonheur des pauvres sera consolidé. 

Il n'y a pas de contrée ou la nature fait plus que dans la colonie de Ste Marie. Le sol est fertile et riche en minerais et houille, le bois est d'excellente qualité, des fleuves, des rivières, de l'eau la plus pure, traversent la colonie et le climat est très salubre. 

L'année prochaine, le siège du gouvernement du comté sera transféré à Ste Marie et déjà bientôt, la colonie doit être mise en rapport avec le chemin de fer de New York par une route de planches (plankroad), cela fait, les produits de toute espèce pourraient être vendus au plus haut prix et mille occasions s'offriront aux pauvres de faire leur bonheur. Nulle part le service divin et les écoles ne sont mieux soignés. 

Est ce que le gouvernement belge sait tout cela ? Es-ce qu'il sait que les terres qu'on donne pour ainsi dire pour rien aux flamands, monteront par l'accroissement de la population, ici comme ailleurs, aux plus hauts prix et que le commerce belge gagnera considérablement par cette colonisation. 

J'espère mon révérend Père que par votre grande influence vous appuierez cette oeuvre chrétienne de suite et de votre mieux.


Lettre du R. P. Heilig au R. P. Pilat, du 5 juin 1849

Liège,     

Les lettre de Mr Beleke et le silence de l'envoyé belge De Ham me sont très suspects. Pourquoi le Professeur s'adresse-t-il à votre Révérend et non aux Pères de Baltimore, où il reste lui-même. Le P. Bernari ne m'en a pas écrit  un seul mot, ce qui me fait soupçonner que les M. Benzinger, Eschbach & Beleke jouent à l'ombre. Votre Révérence fera donc bien d'exprimer à Mr Beleke votre étonnement à ce sujet.


Lettre de Mr Deham au R. P. Heilig, du 17 juillet 1849

Bruxelles,

Vous n'ignorez pas que depuis quelques temps un projet de Colonisation d'indigents flamants aux Etats-Unis s'agite au Ministère de l'intérieur et même, chose dont je dois ici vous exprimer toute ma gratitude, vous avez bien voulu écrire l'an passé aux maisons de Votre Ordre en Amérique de me faciliter la Mission que j'étais allé remplir à Ste Marie.

Après diverses phases et difficultés, ce projet parait sur le point d'être arrêté d'après les bases suivantes, que je prends la respectueuse confiance de vous communiquer confidentiellement, en invoquant, mon très révérend Père, votre puissant concours pour le soutien de cette entreprise.

Ce n'est pas que le projet soit arrêté définitivement, la décision ne sera prise que dans quelques jours, mais j'apprends du Révérend Père Pilat que vous êtes sur le point de vous absenter, et je prends dès lors la liberté de vous écrire éventuellement; afin que je puise savoir, si je serais assez heureux pour pouvoir compter sur la coopération de votre Ordre dans cette oeuvre d'humanité.

Notre gouvernement, effrayé de la dépense à laquelle l'aurait entraîné l'émigration de plusieurs milliers d'individus et dégoûté d'ailleurs par le rapport très défavorable qu'a cru devoir faire sur Ste Marie le commissaire qui m'avait été adjoint pour visiter cette Colonie, allait abandonner l'entreprise, lorsque par suite de la confiance que la Providence a daigné lui inspirer pour mon caractère, il a consenti, ou tout au moins parait disposé à consentir très prochainement, à me donner à moi personnellement les moyens nécessaires pour faire à titre d'essais et sur une petite échelle, une entreprise de colonisation.

Il est nécessaire, mon très Révérend Père, que je vous fasse connaître les conditions que je m'engage de remplir envers le Gouvernement et envers les malheureux, dont je voudrais améliorer le sort, tout en faisant une chose quelque peu profitable pour ma famille. Il est nécessaire en effet que vous puissiez juger si ce plan contient assez d'éléments de succès pour mériter votre approbation et votre concours.

J'achèterais de suite une grande quantité de terrain à deux lieues de  Ste Marie, dans un endroit fertile et bien situé. Je m'engage à partir avant l'hiver et à emmener 50 personnes réparties en famille de 4 à 5 individus. Le Gouvernement paierait la traversée. Depuis leur débarquement à New York, je me charge de leur sort, je les transporte à Ste Marie, je mets à la disposition de chaque chef de famille 25 acres de terre, les matériaux dont ils ont besoin pour la construction d'une loghouse, une vache, un porc, des semailles, quelques meubles, les instruments de culture, enfin je leur donne la subsistance jusqu'à la prochaine récolte.

Les colons me rembourseront, moitié en journée de travail, à raison de deux par semaine, moitié en denrées ou en argent, lorsque leur position sera assez consolidée pour qu'ils le faire(sic) avec facilité. En outre je recevrai chaque année pendant 6 ou 8 ans, au moins cinquante autres colons à qui je donnerai la même assistance. Le nombre pourra s'augmenter de celui des personnes jouissant de quelques ressources, que mon exemple et mes conseils pourront déterminer à s'établir dans la colonie. 

Voila mon très révérend Père, pour le temporel. Voici pour le spirituel, je m'engagerai à faire tous mes efforts pour bâtir endéans la première année une Église et un presbytère en bois. J'établirai de suite une scierie et fournirai gratuitement l'emplacement, les planches et la charpente. J'espère que des facilités faites en Belgique et en Amérique et le concours de la Société pour la propagation de la foi, m'aideront à faire le reste. Je donnerai en outre une dotation de 20 acres pour les besoins de l'Église et du Prêtre et dès que les colons pourront le faire, nul doute qu'ils ne contribuent dans les besoins, suivant leurs moyens et la coutume du pays.

Voilà, mon très révérend Père, l'exposition abrégée de mon plan. Il laisse à chacun le bénéfice de son énergie individuelle tout en lui assurant pour les commencements toute l'assistance dont il a raisonnablement besoin. Voilà aussi tout ce qu'il m'est possible de faire, avec les très faibles moyens dont je disposerai, pour les besoins religieux de la colonie. je viens donc vous demander de bien vouloir consentir à ce qu'un Prêtre de votre Ordre, sachant le flamand, soit spécialement affecté au service de notre future Église de Ste Marie, où tous les colons pourront se rendre le dimanche pour assister aux offices et profiter des instructions religieuses.

Je ne vous demande qu'une réponse éventuelle à une question éventuelle, et j'ai la confiance que le bon Dieu et la très Sainte Vierge béniront notre entreprise en permettant que nous puissions compter d'abord sur l'ordre du Très Saint Rédempteur. Les difficultés  que j'aurai à vaincre sont grandes, je redoute pour la première année que le découragement, les dégoûts, la nostalgie ne s'emparent parfois de nos colons; mais encouragés par la parole consolante du Ministère de Dieu, retenus ensemble par le lien religieux, pour la communauté de religion, de moeurs et de buts, j'espère avec une grande confiance qu'ils traverseront sans trop de difficultés cette première crise. Je ne terminerai pas sans appeler de toutes mes forces les prières de vos religieux en faveur de cette oeuvre. Quelles fassent en quelque sorte violence au Ciel pour qu'il nous soit permis de réussir.

Agréer, je vous prie, mon très révérend Père, mes respects très profonds.


Le 27 juillet 1849, le Ministre de l'Intérieur, Charles Rogier notifie les propriétaires de  la colonie de Sainte Marie,  de la renonciation du Gouvernement car, impressionné par l'intérêt porté par Victor DeHam à l'établissement d'une colonie, il conclu un nouveau contrat : Victor DeHam reprendra l'affaire à son compte, quittera son poste au Ministère de l'Intérieur et s'engagera à aller s'établir avec sa famille dans la nouvelle colonie.


Monsieur Charles Rogier, Ministre de l'Intérieur, désirant encourager un essai d'émigration et de colonisation d'indigents flamands dans la Pennsylvanie, Etats-Unis de l'Amérique du Nord;
Et le sr Victor DeHam, chef de bureau au Ministère de l'Intérieur demeurant à Uccle, étant résolu de consacrer à l'accomplissement d'une entreprise de ce genre ses connaissances spéciales, ses services personnels et ceux de sa famille;

Il a été convenu entre eux ce qui suit :

Mr Victor DeHam s'oblige à accomplir les conditions suivantes :
A. Il se fixera avec sa famille à Ste Marie, comté d'Elk, Pennsylvanie, où il recevra et établira annuellement, pendant trois années consécutives, à partir de 1849, cinquante habitants des Flandres, répartis en familles de quatre à cinq personnes parmi chacune desquelles se trouvera au moins un adulte dans la force de l'age. au moment de leur embarquement à Anvers, les émigrants devront être valides, sains et bien portants. Ils seront munis de certificats de bonne vie et mœurs et n'auront pas subi de condamnations pénales ou correctionnelles.
Au cas où pendant ces trois années les émigrants se seraient acquittés fidèlement de leurs obligations envers le Sr DeHam, obligations qui sont déterminées ci-après, celui-ci consent à recevoir et à établir encore à Ste marie, pendant chacune des cinq années suivantes, un minimum de cinquante indigents pourront lui être envoyés, soit directement par le Gouvernement Belge, soit, de l'agrément de celui-ci, par des communes des Flandres.
En conséquence de l'engagement qui précède,
B. Le Sr DeHam se charge :
1° des frais de transport et de nourriture des émigrants depuis Philadelphie ou New York jusqu'à Ste Marie.
2° de procurer à chaque chef de famille un lot de terre boisée de vingt cinq acres sur vingt acres desquels il se réserve, à mesure qu'ils seront abattus par les émigrants, les arbres autres que ceux d'érable, dont le diamètre sera d'au moins un pied et demi (49 centimètres).
3° de procurer à chaque chef de famille, la ferraille, les clous, les portes, les châssis, les vitres, les bardeaux, les planches, les briques, la chaux, nécessaires à la construction d'une log house de vingt pieds de façade sur seize de profondeur.
4° de procurer à chaque chef de famille le mobilier et les instruments de culture indiqués dans l'annexe ci-jointe (pas dans le dossier des A.M.A.E.), une vache et un porc.
5° de procurer à chaque chef de famille les semailles nécessaires pour ensemencer trois acres de terre.
6° de procurer aux Colons les vivres qui leurs seront nécessaires jusqu'à l'époque de la récolte qui suivra leur arrivée.
Les émigrants seront tenus de rembourser au Sr DeHam les avances qu'il aura faites en exécution des engagements indiqués au N° 1 à 6 inclusivement.
Ce remboursement se fera, quant aux frais de transport et de nourriture depuis New York jusqu'à Ste Marie, selon le montant de la déclaration du Sr DeHam; quant aux vingt-cinq acres de terre, à raison de deux dollars l'acre pour les émigrants qui arriveront en 1849 et de quinze centimes de dollar de plus par année pour ceux qui seront envoyés à Ste Marie en exécution du présent contrat pendant les années suivantes; pour les autres objets, aux prix qui auront cours dans la localité.
Les Colons se libéreront envers le Sr DeHam, moitié en journées, sur le pied de deux journées par semaine et d'une valeur de deux francs par journée; moitié en numéraire ou en céréales aux cours du jour.
Ne seront acceptées en remboursement au prix de deux francs que les journées d'adultes, robustes et bien portants. Le remboursement de la partie exigible en numéraire ou en denrées s'opérera annuellement par quart à commencer de la 3e année qui suivra l'époque de l'arrivée de l'émigrant à Ste Marie.
C. Le sieur DeHam s'oblige à veiller en tous temps au bien être des émigrants, à les assister de ses conseils, à faciliter leurs relations avec les habitants du pays, à les protéger de son influence.
D. Mr DeHam s'engage a faire tous ses efforts pour faire construire une église ou chapelle au centre de la Colonie; à cet effet il s'oblige à fournir gratuitement l'emplacement et le bois nécessaires pour la construction d'une église ou chapelle et d'un presbytère en bois. Le restant de la dépense pourra être couvert par des inscriptions en Belgique et aux Etats-Unis.
E. Le Sr DeHam s'engage à prendre avec l'ordre des Rédemptoristes ou toute autre communauté religieuse les arrangements nécessaires pour qu'un prêtre, parlant le flamand, soit attaché à demeure au service de l'église de la Colonie.
Il s'engage en outre à affecter aux besoins de l'Eglise et du prêtre une dotation de deux cent cinquante acres de terre.
F. Le Sr DeHam déclare renoncer à l'emploi qu'il occupe au Ministère de l'Intérieur et à toute indemnité autre que celle qui est désignée ci-après. Son traitement cessera d courir le mois qui suivra celui de son départ pour les Etats-Unis. 

De son côté, Monsieur le Ministre s'engage :
A. à accorder la traversée gratuite, vivres y compris, depuis Anvers jusqu'à Philadelphie ou New-York, pendant trois années consécutives à partir de 1849, à cinquante Colons par an, répartis en familles de quatre à cinq personnes.
B. à mettre à la disposition du Sr DeHam une somme de cinquante cinq mille francs, payable ainsi qu'il suis, à savoir; quinze mille francs dans la quinzaine de la signature du présent contrat; quinze mille francs au moment du départ des cinquante premiers émigrants; quinze mille francs lorsque une lettre de l'autorité locale de Ste Marie aura annoncé et certifié à Mr le consul général de Belgique à New York l'arrivée à Ste Marie de ces mêmes émigrants; les dix mille francs restants dans le cours du mois de janvier 1850. En outre, s'il résultait de l'enquête que Mr le Ministre de l'Intérieur se réserve de faire faire sur les lieux dans le cours de l'été 1850, que ce commencement d'émigration présente des résultats satisfaisants, un subside supplémentaire de quinze mille francs sera mis immédiatement à la disposition de Mr DeHam.
Des sommes pré-mentionnées, vingt cinq mille francs sont accordés au Sr DeHam comme indemnité de déplacement et à titre de prime ou d'encouragement pour la mise à exécution de cet essai de colonisation de cultivateurs flamands; le surplus sera remboursé par le Sr DeHam, annuellement par quarts, à partir de l'année 1854.
Le Sr DeHam affectera par un acte en due forme à la garantie de ce remboursement son établissement, ses maisons, fermes et dépendances à Ste Marie, une scierie mécanique, un moulin à farine et enfin une étendue de quatre mille acres de terre.
Tous les trois mois, le Sr DeHam adressera au Ministre de l'Intérieur un Compte de ses opérations.

Ainsi conclu de bonne foi le vingt huit juillet dix huit cent quarante neuf. Le Ministre de l'Intérieur Ch. Rogier
V. DeHam

Approuvé pour être annexé à Notre Arrêté du 4 Août 1849 Léopold
Par le Roi Le Ministre de l'Intérieur Ch. Rogier


Le contrat signé avec le Gouvernement, Victor DeHam s'adresse à nouveau aux Pères Rédemptoristes pour avoir leur soutient.

Lettre de Mr Deham au R. P. Heilig, du 3 août 1849

Uccle

Je suis honoré de votre lettre du 3 de ce mois, datée de Londres et crois indispensable de vous informer des diverses circonstances importantes qui se sont produites depuis la date de ma dernière du 17 juillet.

En premier lieu, ce qui n'était qu'une éventualité alors est passé maintenant à l'état de certitude positive. Les arrangements sont pris avec Monsieur le Ministre et Sa Majesté a daigné les approuver.

En second lieu, j'ai eu le grand honneur d'être admis à développer mon plan en présence de Monseigneur le Cardinal Archevêque et de Monseigneurs le Cardinal Archevêque (Stercke) et de Messeigneurs de Gand (Delebiege) et deBruges (Melou). Je suis resté une heure entière en conférence avec ces illustres prélats et il en est résulté, qu'à ma demande; ils ont bien voulu autoriser confidentiellement les Curés de quelques communes des Flandres, où je dois me rendre, à me donner des renseignements sur la moralité de ceux qui demanderont à me suivre.

Meseigneurs m'ont d'ailleurs bien voulu promettre que si l'an prochain, le colonie est établie sur un pied convenable, ils m'accorderont une protection ostensible et active à l'effet de favoriser l'émigraton des familles à qui le pays n'offre plus assez de ressources pour subsister.

J'ai fait connaître à Monseigneur le Cardinal Archevêque que j'étais en pourparler avec votre Ordre pour apurer les besoins religieux de la Colonie. Il a beaucoup insisté sur ce point que les émigrants fussent accompagnés à bord par un ministre de la Religion et il est évident que sous tous les rapports, cette mesure produirait un excellent effet moral. Déjà, j'ai obtenu du Gouvernement qu'un médecin de la marine Royale ferait partie de l'équipage.

Maintenant, Très Révérend Père, pour en revenir à l'objet de votre lettre, nul ne saurait assurer aujourd'hui quel sera le sort futur de la Colonie, si elle deviendra nombreuse ou si elle demeurera dans des limites étroites.

Cinquante émigrants partent cette année, et si tout va bien, pareil nombre émigrera chaque année pendant cinq ou six ans. Je crois qu'il est probable qu'en cas de succès, l'émigration deviendra ou pourra devenir assez considérable. Tout semble le faire espérer; mais je n'en saurais dire davantage.

Si vous vous décidez à nous donner un ou deux missionnaires, ne pourrait-on les rattacher à la Mission de Ste Marie ? nous désirerions pourtant avoir la Messe non seulement le dimanche, mais tous les jours avant l'heure du travail.

Ayez la bonté, très révérend Père, de me donner une réponse immédiate et quelque peu positive, attendu que l'expédition doit partir vers la fin du mois et que je me vois forcé de prendre de promptes résolutions. En outre, des quêtes devront être organisées pour la future Eglise et il convient que ceci se fasse par un religieux.

je suis, très Révérend Père, avec la considération la plus distinguée, 


Victor deHam n'aura pas l'aide des autorités ecclésiastiques, comme le montre cette troisième lettre au R. P. Heiligb, et malgré cette dernière supplique :


Mr DeHam au R. P. Heilig, 29 août 1849


Bruxelles,

J'ai bien reçu votre honorée du 12, et bien qu'elle ne renferme rien de positif, je prends la confiance de revenir à la charge.

J'ai eu l'honneur de vous faire comprendre que, commençant sur une petite échelle, je ne saurais prendre pour le moment d'engagements très lourds. Mais voici un moyen qui me parait propre à tout concilier. Autorisez un de vos religieux flamands à résider au couvent de Ste Marieu; qu'il se rende à cheval, sinon tous les jours, du moins 3 ou 4 fois par semaine à New-Flanders (nom de notre nouvelle Colonie ), il prendra ses repas chez moi. Après avoir construit l'Eglise, nous travaillerons à la maison du Couvent, et d'ici à une couple d'années peut-être plus tôt, nous serons à même d'y installer deux religieux. 

J'ai dit que je donnait pour l'Eglise et le Couvent cent hectares. Les paroissiens consentiront bien à donner dans l'année quelques jours de leur temps pour les défricher et en mettre une partie en culture. Lorsque 10 ou 20 hectares seront défrichés, il sera facile de trouver un fermier qui cultivera pour compte du Couvent moyennant partage des produits.

C'est ici, très révérend Père, une affaire d'avenir, tâchez de nous aider à notre début de la manière que je viens d'indiquer et si, comme j'ai tous lieu de le croire, les conditions de fertilité et de salubrité du pays sont satisfaisantes, il est très certain que le Gouvernement et les autorités Ecclésiastiques nous enverrons beaucoup de monde.

Veuillez donc réfléchir de nouveau à toute cette affaire et voir si vous ne pourriez nous donner un religieux pour accompagner nos colons. C'est le 5 septembre que le Lorena met à la voile à Anvers. Je n'ai pas besoin de vous dire que la traversée lui serait assurée gratuitement.
J'ai l'honneur d'être, très révérend Père, avec les sentiments d'une très respectueuse considération


Le 8 septembre, 50 émigrants s'embarquent à bord du Lorena à Anvers pour New York. Les accompagnent, un chirurgien de l'armée, le Dr Reiss alors que Victor DeHam et sa famille s'embarquent au Havre, sur le steamer Hermann à destination de Southampton. Les notes conservées aux A.M.A.E. ne sont pas très claires à ce sujet, mais il semble que DeHam ai précédé les colons aux Etats-Unis. 

Le 19 décembre, le Lorena arrive à New York, et le Dr Reiss envoie à Bruxelles, son rapport des mauvaises conditions sanitaires dans lesquels s'est faite la traversée.


New York, le 20 décembre 1849


Monsieur le Ministre

Conformément à la dépêche du 29 août 1849, le soussigné à l'honneur d'annoncer l'arrivée du convoi flamand à New York, au 19 décembre 1849 et transmet la relation succincte du voyage de la Lorena à partir du 19 octobre, jour du départ de Plymouth (Angleterre).

Voici […]compte de la durée de la traversée; d'abord [une succession] de calmes, brouillards et vents contraires, la […] de délabrement du bâtiment, qui ne permettaient pas […]la quantité voulue des voiles, quant la brise était bonne, mais un peu vive, enfin après que le vent avait arraché  et enlevé quelques voiles le manque absolu de ces moyens de progrès à défaut de vapeur.
Point de toile à bord pour réparer les voiles déchirées, on se sert des sacs à pommes de terre, et puis par besoin impérieux, des nombreux sacs de ferme appartenant à Monsieur DeHam.
Le [genoux?] de fer de Plymouth se sont détachés. Par navire les joints calfatés se sont de nouveaux disjoints et l'eau a coulé de plus en plus sur les passagers d'entrepont dont les literies et effets se sont pourris, et la dunette etc. ont tellement joués qu'on a du l'appuyer par des fortes poutres- Heureusement nous n'avons pas essuyé de tempête.
Une conséquence très inquiétante  […]  pénurie générale  […] d'huile à éclairer  […] 

Les vivres embarqués à Anvers pour  […]  à peu près consommés en un mois.
Voici pourquoi :
1) la viande et le beurre […] 
2) Les substances farineuses […]  auraient pu suffire, mais une partie des pommes de terres […] 
Les pois ne cuisaient pas du tout  […]  restaient du biscuit, du riz, de l'orge qui ne pouvaient pas à eux seuls suffire.
Par conséquent, le capitaine s'est vu dans  […] d'entamer trop vite les provisions achetées à …; contre toute attente, nous avions encore deux mois  […]  la vivelle est venue. 

Le 13 décembre nous avons rencontré un navire de Boston. Le Capitaine lui a fait un appel et lui a acheté une quantité de viande et de biscuit.

La cabine et l'équipage étaient aussi bien dans la vivelle que les émigrants et les derniers quinze jours du voyage ont menacé de me donner une sérieuse gastrite.
A ces maux, s'est joint comme fort agravissement le manque de combustible dans la cuisine. Des faibles femmes et des enfants devaient se contenter des jours entiers de biscuit sec, ce qui a provoqué bien des cris et des larmes et a fait démolir des bois de lit, cloisons et […] ; les passagers sont tous arrivés ici en […] 

 […]  le voyage une épidémie de diarrhée annoncée par  […] et accompagnée de coliques  […] et de  […] dans les jambes nous a inquiétés mais elle a cédé au bismuth et à  la chaleur sèche.
 […] des fréquentes inflammations catarrhales  […] taient la suite de l'humidité de l'entrepont.  […] fections syphilitiques, dont une assez sérieuse ( dons  […]  ont suivi le départ de Plymouth
 […] blessures et contusions par suite de chute de corps  […] ; ont eu lieu.
 […]  accouchés.

 […] enfant flamand Dobbels, agé de 10 ans, est atteint de très graves ulcérations, suite de maladie de l'os du tibia  […]  les parents avaient caché jusqu'aux derniers jours de la traversée quand l'enfant était pris de fortes douleurs qui ont été heureusement combattues par des cataplasmes opiacés. Une grand partie des familles Rouche et Verbecke est détériorée par les scrophules.

Je prends la liberté, Monsieur le Ministre, d'annexer à ce rapport, une note contenant le projet d'un règlement, ayant en vue de rendre le séjour à bord moins pénible pour les passagers d'entrepont.

Agréez Monsieur le Ministre, l'expression du plus profond respect de votre très humble serviteur

Dr Reiss


Le consul signale que … l'état sanitaire de ces émigrants est satisfaisant, malgré les privations et les fatigues qu'ils ont eu à endurer pendant une aussi longue traversée. Il n'y a pas eu un seul cas de mortalité, ce qui est assez rare. Ils sont tous arrivés sur pied à New York et en sont repartis le 23 courant, se dirigeant vers leur destination accompagnés de M. le Docteur Reiss.  Le rapport ci-joint de ce médecin, que le gouvernement à fort bien fait de mettre à bord, rend compte à votre excellence des incidents de la traversée.

Le Dr Reiss se pose la question s'il doit les accompagner jusque Sainte Marie si les frais de voyage que cela entraîne lui seront remboursés. Moxhet le rassure sur ce point, les instructions qu'il a reçues en septembre sont claires la dessus, bien qu'il ne puisse garantir le remboursement des frais : n'ayant reçu aucune instruction à ce sujet, il ne peut que payer le salaire du Docteur et ses frais d'Hôtel à New York. 

Reiss part, mais à Philadelphie, il fait demi-tour et rentre à New York le 26, craignant que le gouvernement ne laisse à sa charge les frais considérables qu'entraîne ce voyage. Moxhet lui avance alors 50 $ et le renvoie à Sainte Marie.