Urbain Tessier dit Lavigne (1625-1689). D'hier à aujourd'hui. Chaque été, des milliers d'Américains arpentent les rues étroites et ombragées du Vieux-Montréal en quête de divertissement et d'un peu d'histoire. Au cours de leur excursion, nombreux sont ceux qui s'arrêtent à la Place d'Armes. Ils font alors le tour du monument érigé à la mémoire du fondateur de Montréal, le Sieur de Maisonneuve, passant devant la sculpture de Lambert Closse et son fameux chien Pilote sans trop leur porter d'attention, pour ensuite se rendre à l'église Notre-Dame où la douce lumière et l'atmosphère de recueillement de l'endroit les apaisent, le temps de leur visite. Cependant, quelques-uns d'entre eux se dirigent plutôt vers le building du Royal Trust Compagny, faisant face à l'église, sur la rue St-Jacques, au coin nord-ouest de la Côte de la Place d'Armes, pour lire une inscription taillée dans la pierre de la façade : Cet édifice a été construit sur une partie de terre concédée initialement à Urbain Tessier dit Lavigne. Il s'agissait de la 8 ième concession faite à un citoyen de l'île de Montréal. Ces quelques lecteurs curieux, en provenance de New York, veulent comprendre pourquoi leurs arrières-grands-parents Lavigne ont bien pu entreprendre au début du 20 e siècle un procès pour revendiquer la propriété de cette Place d'Armes. Ils connaissent peu de choses de leur ancêtre français, le premier Tessier dit Lavigne à avoir traversé l'Atlantique. Fils d'Arthur Tessier et de Jeanne Même, Urbain Tessier dit Lavigne est né vers 1625 à Château-en-Anjou, maintenant appelé Château-la-Vallière et situé à une centaine de kilomètres à l'ouest de Larochelle d'où il serait parti pour la Nouvelle-France. Il a probablement été recruté par Jérôme Le Royer de La Dauversière, un des artisans de la fondation de Montréal. Pour trouver de futurs colons prêts à s'exiler dans un pays qui n'existe pas, couvert de forêts et où les indigènes représentent une menace constante, Le Royer a ratissé une bonne partie de la campagne environnant Château-en-Anjou. Urbain Tessier dit Lavigne arrive seul, sans famille, en Nouvelle-France, plus précisément à Ville-Marie. Nous ne savons pas précisément quand. Il n'aurait pas fait partie du premier arrivage de 1642 avec les 52 premiers Montréalistes du groupe de Maisonneuve et Jeanne Mance, puisquele 4 septembre 1641 il aurait participé, en tant que parrain, au baptême du premier enfant de son frère Jean, à Château-La-Vallière . Au plus tard, Urbain Tessier met les pieds dans la colonie en 1647 puisqu'en janvier 1648 Maisonneuvelui concède une terrain dans l'enceinte fortifiée, où il se construit une maison qui accueillera en septembre suivant sa femme, Marie Archambault, âgée de 12 ans et sept mois, qu'il est allé marier à Québec. Urbain Tessier dit Lavigne est le premier de 16 Tessier qui ont migré en Nouvelle-France, dont neuf dénommés Tessier, un Tessier-Marquis, un Tessier-Ringuet-Laplante, un Tessier-Laliberté, un Tessier-Laforest, un Tessier-Nicol et un Tessier-Latulipe. Parmi ces nouveaux arrivants, Urbain est celui qui a le plus grand nombre d'enfants (16) et le plus grand nombre de fils qui se marieront, soit sept. En 1730, il a 420 descendants connus et se situe au 39 e rang de tous les pionniers de la Nouvelle-France,alors que les autres Tessier sont loin derrière : Marc Tessier, 47 descendants connus (957 e rang); Mathurin Tessier, 36 descendants (1 146 e rang) ; etc. S'ils poursuivaient leur randonnée, les cousins américains pourraient mieux connaãitre leur ancêtre. Ainsi, en remontant la rue St-Denis, ils s'arrêteraient à L'Échange , une librairie de livres d'occasion où ils trouveraient un vieil exemplaire de l' Histoire d'Outremont (1875-1975) de Robert Rumilly et y liraientun éloge, plutôt pompeux, de leur ancêtre : «on distingue, parmi les jeunes Montréalais de l'époque héroïque, deux sortes de tempéraments. Les coureurs de bois s'enfoncent dans la forêt au-devant des Sauvages (.). Les chefs civils les encouragent, car ces jeunes gens férus d'aventure et de liberté rendent d'inestimables services comme explorateurs, comme guides, comme interprètes. Les défricheurs, plus sédentaires, ne sont pas moins courageux, car les terribles Iroquois foncent à l'improviste sur les colons isolés ou sur les petits groupes, et les prisonniers, promis à des supplices atroces, sont plus à plaindre que les tués. Les chefs religieux encouragent les défricheurs qui fondent des familles et jettent les bases d'une colonie stable. Urbain Tessier dit Lavigne, son beau-frère Jean Gervaise et Louis Prudhomme appartiennent à l'espèce des défricheurs. (.) Les Iroquois ont incendié sa maison, à peine construite. Urbain Tessier a pris sa revanche, à l'avant-garde dans maints combats.» Mais il a perdu un de ses combats durant l'hiver 1661. Fait prisonnier avec cinq autres colons qu'il avait engagés pour défricher sa terre, alors que quatre autres montréalistes sont tués, Urbain est emmené à Onnontagué, au sud-est du lac Ontario, la capitale de l'Iroquoisie. Trois mois après son enlèvement, sa femme accouche d'un septième enfant, un quatrième garçon. Dans l'acte de baptême, on peut lireque « Le 7 ème juin a été baptisé Urbain, fils d'Urbain Tessier, habitant, pris par les Iroquois, le 24 mars dernier, et on ne sait pas s'il est mort ou en vie». La captivité d'Urbain est difficile, il est tourmenté. En témoigne un extrait des Relations de 1662, écrit dans le pur style des Jésuites de l'époque et où Urbain serait tenté de faire la guerre aux côtés des Iroquois : «Un d'eux avant l'arrivée du Père (Simon Lemoyne) se laissant aller au mauvais exemple, était tout prêt de s'abandonner au vice, et d'embrasser la vie de Sauvage, ayant déjà lié partie avec quelques Iroquois pour les accompagner en guerre : Il est vrai que Dieu le retenait toujours comme par la main, disons plutôt parun doigt, qui lui ayant été coupé au commencement de sa prise, ne se guérissait point, quoi qu'on y eût appliqué tous les remèdes ordinaires. Le Père, arrivant, remédia à sa plus grande maladie, lui conseillant quelques dévotions enversla sainte Vierge, qui eurent un si bon effet qu'en peu de jours il fut délivré de sa tentation, et guéri du mal qu'il avait en la main depuis plus de six mois. Il a ensuite fort bien employé cette main, en quelque façon miraculeuse, s'en servant à baptiser les enfants, que non seulement il cherchait dans toutes les caravanes, mais qu'il allait encore attendre au passage les caravanes des Sonnontoeronnons (Tsonnontouans), qui vont en grandes bandes, en traite, de peurd'être rencontrés de leurs ennemis. Il arrêtait donc toutes les mères avec leurs enfants dans quelque défilé, et les savait si bien gagner qu'en peu de temps il a baptisé plus de soixante enfants, dont la plupart sont morts de la maladie courante. » Sa captivité, l'éloignement, l'angoisse, l'attente se terminent après 17 longs mois lors d'un échange de prisonniers entre les Français et les Iroquois négocié par le chef Garakontié et le père Lemoyne. Mais ce qui intéresse surtout les cousins américains, ce sont les Archives nationales du Québec où, selon des membres de la famille, un fond contient des dossiers sur leur ancêtre. Ils s'acheminent donc vers la rue Viger. Habités par la curiosité et l'incrédulité, ils déroulent des plans de section de la ville, faisant près de deux pieds sur quatre, que leur a fourni un documentaliste insensible à leur excitation. En scrutant ces grandes feuilles bleutées, ils froncent les sourcils, s'interrogent et tentent de transposer ce qu'ils y voient avec ce qu'ils ont vu pendant leur randonnée dans les rues de la ville. La tâche n'est pas simple puisqu'un de ces plans superpose la terre d'Urbain Tessier dit Lavigne, concédée parMaisonneuve , avec le découpage des rues du Montréal de 1929 et que depuis, plusieurs de ces rues ont été renommées. Ce plan comme d'autres d'ailleurs a été élaboré par l'ingénieur et arpenteur-géomètre Séraphin Ouimet pour le fameux procès de leurs arrières-grands-parents. Et quarante ans plus tard, en 1971, le ministère de la Justice les a déposés aux Archives nationales. Avec ces cartes, d'un coup d'oil, ils peuvent saisir toute l'étendue des 30 arpents (environ 950 000 pieds carrés) que possédait leur ancêtre. Imaginez que sur une partie de l'actuel Palais des congrès fleurissait il y a 350 ans le potager de la famille d'Urbain! Imaginez qu'au fond de sa «terre en bois debout» se dresse maintenant la Place des Arts! Imaginez que sur ses anciennes cultures de maïs et de blé ont poussé les tours du Complexe Desjardins, celles de la Place Guy-Favreau et du siège social d'Hydro-Québec! Imaginez que chaque jour, plusieurs milliers de travailleurs, de touristes ou de simples badauds circulent dans la station de métro Place-d'Armes, sous sa terre, quelque part dans les racines de ses anciennes cultures! Cette terre idyllique s'étendait des deux côtés del'actuelle rue St-Urbain, au sud du boulevard de Maisonneuve et au nord de la rue St-Jacques. La rue Saint-Urbain ainsi nommée à la mémoire de leur ancêtre était à l'origine le chemin qu'il a défriché pour accéder à sa terre et surlequel il a dû construire un pont pour franchir la Petite Rivière maintenant asséchée et devenue la rue St-Antoine. Ainsi, dès 1668, le gouverneur de la ville, Charles D'Ailleboust, ordonne que l'accès aux chemins des coteaux Saint-Louis et Sainte-Marie « passera par le pont de Tessier-Lavigne». Au fil du temps, cette rue St-Urbain s'est allongée, si bien qu'aujourd'hui elle relie le fleuve St-Laurent à la rivière des Prairies et partage ainsi l'Île de Montréal presqu'en deuxparties égales. Urbain, rue St-Urbain, un juste retour des choses! Le prénom de cet ancêtre vient-il du fait que le pape qui siégeait à sa naissance s'appelait Urbain VIII? Indique-t-il que ses parents étaient de fervents catholiques ou était-ce simplement un prénom courant à l'époque? Un autre pape, Urbain V (1310-1370), d'origine française celui-là, serait-il à l'origine de l'usage de ce prénom? Que de questions sans réponses! Un autre plan illustre ledétail du partage de la terre d'Urbain entre ses nombreux héritiers lors de son décès en 1689 à l'âge de 64 ans. Qui de Paul, de Jacques, de Pétronille, de Jean, Ignace, Jean-Baptiste ou de Louise Tessier est leur ancêtre? Qu'est-il advenu de la propriété de cette terre au cours des trois derniers siècles? Un document de 225 pages élaboré en 1929 et 1930 par l'archiviste et historien E. Z. Massicotte fourni certaines réponses, soit l' Inventaire des actes notariéset autres documents concernant les biens immeubles d'Urbain Tessier dit Lavigne et de ses descendants, ainsi que les emplacements de la place d'Armes et de l'église Notre-Dame . Toutes les transactions ont été faites selon les règles de l'art. C'est probablement ce qui explique pourquoi le procès n'a finalement jamais abouti et que les grands gagnants ont probablement été les avocats qui défendaient cette cause. |
En 1681, Gilles Lauzon, chaudronnier et habitant, réside sur sa terre située au nord de la petite rivière (la rue Saint-Antoine actuelle) allant vers la terrasse Sherbrooke. Il y exploite 45 arpents de terre mis en culture. Son épouse, Marie Archambault, vient de donner naissance à leur douzième enfant, leur neuvième fille nommée Jeanne. Le couple célèbre cette même année le mariage de leur fille Catherine. Fils de Pierre Lauzon et d'Anne Boivin, Gilles Lauzon naquit vers 1630 à Caen. C'est en France qu'il apprit le métier de chaudronnier et acquit le titre de maître. Il s'embarqua pour le Canada en 1653, avec la Grande Recrue, comme engagépour cinq ans. Moins de deux ans après son arrivée, il acheta un premier lot de terre et une maison de bois près de ce qui allait devenir la place d'Armes. Puis, il acquit une concession de 30 arpents de terre sur le bord du fleuve à l'estde la ville et un arpent à Villemarie adjacent à sa demeure. Il entreprit le dur travail du défrichement. Passablement établi, le 27 novembre 1656, Lauzon épousa Marie Archambault, âgée de douze ans, fille de Jacques Archambault et deFrançoise Toureault, arrivée dans la colonie depuis cinq ans. Lauzon partagea peut-être pour un temps ses énergies entre le travail de la terre l'été et la chaudronnerie l'hiver, en ville. En 1658, il acquit par échange la terre qu'il possèdera jusqu'à son décès. Un an plus tard, il vendit sa maison en ville, conserva une partie de l'emplacement et s'installa pour de bon sur sa terre. Lauzon participa à la milice dès 1663. Il fut marguillier de la paroisse de Notre-Dame de 1670 à 1672. Il ne délaissa pas pour autant son métierde chaudronnier. D'ailleurs en 1673, il prenait comme apprenti Laurent Tessier, fils d'Urbain Tessier dit Lavigne. Marie Archambault mourra le 8 août 1685 et Gilles Lauzon décèdera deux ans plus tard. Le couple aura eu 13 enfants. |
parrain: Guillaume Lompre fils de Guillaume Lompre (cote St Leonard), marrain: Marie Anne Girouard (cote Ste Marie de la paroisse de la ville), pretre: M Guillon |
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