Malli 1855
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Rapport consulaire
Par M. Adolphe Poncelet, Consul de Belgique à Chicago, 

Moniteur Belge du 10 mai 1855

Sources

Michigan
Wisconsin
Missouri
Iowa
Indiana
Kentucky

 

 

Ce "Mémoire sur la ville de Chicago (Illinois), Etats Unis d'Amérique du Nord", commence par une description physique, le climat et les voies de communication de la ville de Chicago, l'état de l'instruction publique et des Églises,  et se poursuit par une note et des conseils au émigrants, seule partie reprise ici.

L' émigration:

Les nations qui ont le plus fourni d'émigrants à la ville de Chicago sont d'abord l'Allemagne l'Irlande, la Suède, la Norvège et le Danemark, ensuite le Canada, l'Ecosse, l'Angleterre puis la Hollande, l'ltalie, la France et la Belgique. II y a fort peu de Belges mais tous ceux qui exercent des professions y prospèrent. Généralement les ouvriers habiles, économes et sobres sont assurés d'y réussir.

On ne saurait trop recommander à tout émigrant de ne jamais arriver avant la fin de mars, ni après le mois de septembre, parce qu'avant la première époque il est difficile de trouver de l'ouvrage, et que de juin à septembre ils sont exposés en voyage, aux maladies qui règnent habituellement dans le pays parmi les personnes non acclimatées et enfin, qu'après le mois d'octobre, l'ouvrage commence à se ralentir, car généralement vers cette époque, la navigation n'est plus aussi active; se ferme en décembre et laisse beaucoup de bras inactifs.

L'ouvrier sans argent, qui arrive ici depuis novembre jusqu'à la fin de mars, ne doit s'attendre qu'à souffrir, d'abord parce qu'il ne connait pas la langue, ensuite parce que dans les ateliers, on préfère conserver les ouvriers connus;  tout ouvrier ou artisan qui arrive en hiver doit avoir des fonds pour pouvoir se loger et vivre pendant trois ou quatre mois.

Chicago n'est pas la localité qui convienne aux hommes sans profession; ceux de cette catégorie, terrassiers ou manoeuvres, n'ont rien à faire ici. Toutes les lignes de chemin de fer environnant la ville sont achevées, et celles en construction sont trop éloignées.

L'ouvrage intérieur présente trop peu de ressources, et il est, généralement accaparé par les Allemands et les Irlandais, qui, à leur arrivée, connaissent l'une ou l'autre des deux langues les plus répandues, et se trouvent parmi leurs compatriotes qui les secourent et leur procurent de l'ouvrage dans leurs chantiers respectifs

L'émigrant belge, sans profession, ferait mieux de se diriger comme suit :

Les Flamands sur Détroit (Michigan) Milwaukee, Green Bay(Wisconsin)  Jefferson-City (Missouri), tous points où ils trouveront un grand nombre de leurs compatriotes.

Les Wallons (tout ce qui parle Français), sur Waukesha, Port Washington, Fond-du-Lac(Wisconsin) Dubuque (Iowa), Léopold, Bedford, Indianapolis (Indiana), et les environs de Louisville (Kentucky)

La plus grande partie des habitants de Léopold et de Bedford viennent des cantons de Florenville, Neufchâteau, Etalle, Virton et Arlon (Luxembourg).

La classe des cultivateurs, ceux qui partent de Belgique avec, un certain capital peuvent en tonte sécurité, se diriger sur tous les points désignés plus haut, mais ils doivent toujours choisir de préférence les endroits où ils sont certains de trouver des compatriotes parlant leur langue ; selon moi, les Luxembourgeois ne doivent choisir d'autres points que ceux cités plus haut dans l'Indiana. Dans ces localités les terres sont riches, faciles à mettre en culture, le bois y est abondant.

Tout émigrant cultivateur pouvant disposer d'un capital de 5,000 à 6,000 fr. peut être assuré d'y vivre aisément. et de voir ses affaires y prospérer.

Tous les émigrants qui viennent en Amérique, spécialement dans le but commercial, et qui peuvent, bien entendu, disposer d un capital, peuvent se fixer dans les villes du l'Ouest et principalement à Chicago; ces villes leur présentent beaucoup d'avenir, et ils sont à peu près certains d'y réussir rapidement Mais ceux-ci comme tous les autres ne doivent pas se faire d'illusion, car la première année de séjour sera toujours pénible et difficile pour eux : tant qu'ils ne connaîtront pas la langue, ils ne pourront rien faire. S'ils ont des enfants de 8 à 12 ans et plus, il sera prudent de les mettre à l'école dès leur arrivée; après quelques mois ces enfants pourront comme interprètes leur être d'un grand secours.

Après un au de séjour, le temps d'épreuve sera passé pour tout émigrant intelligent et il pourra se tirer d'affaire.

Les artistes peintres en tableaux où en portraits, les musiciens, les professeurs de langue, française, surtout, trouveront ici moyen d utiliser leurs talents dune manière lucrative.

Les peintres en tableaux ou   en portraits, s'ils ont du talent ne sont pas tenus de connaître aussi bien la langue que les autres émigrants Leur pinceau aplanira beaucoup de difficulté. Une carte portant 100 $ placée sur un tableau, sufira pour faire comprendre à l'Américain qu'on en demande 100 dollars.

Tous les émigrants en général ne doivent pas oublier que, tant au moment de l'embarquement que pendant le passage et au débarquement, ils ne doivent pas quitter de vue leurs malles et bagages; si cette précaution est nécessaire pendant ces trois époques, elle est encore mille fois plus nécessaire du port de débarquement au lieu de destination.

Dans les localités où ils prendront le chemin de fer, ils devront veiller à ce que, sur chacun de leurs colis, il soit posé ce qu'on nomme un ticket, espèce de jeton de cuivre, portant un numéro dont le pareil leur est remis. Aux changements de convoi, ils devront veiller à ce que leurs bagages les accompagnent. Les émigrants ne doivent pas manquer de bien veiller à leur argent, tant en mer que dans les trajets en chemin de fer; ne pas le laisser dans leurs malles, le porter constamment sur eux, ne pas le faire voir et encore moins en prêter.

S'ils ne peuvent se procurer, de maisons respectables de Belgique, des lettres de change à vue sur des maisons de New-York ou des villes de débarquement, il est préférable pour eux de conserver leur argent. La pièce de 5 francs vaut toujours 96 cents de dollar, tandis que le dollar qu'ils prendraient à Anvers à 5-20 ou 5-25, ne vaudrait souvent que, 5-15 en arrivant ici.

Ils devront se mettre en garde contre le tas d'escrocs qui encombrent  toujours les quais des ports de débarquement, et qui cherchent à conduire les émigrants dans tel ou tel hôtel, en leur disant qu'ils n'auront à  payer que telle ou telle somme par jour; tandis que quand ils en viendront au règlement de compte, le coquin aura disparu, et l'hôtelier, son compère, demandera ce qu'il désirera. Un point essentiel aussi, c'est que l'émigrant ne doit s'arrêter dans les villes de débarquement que le temps nécessaire pour aller du navire à la station du chemin de fer ou au paquebot qui doit le conduire à sa destination.

 

Tout émigrant qui a des fonds à sa disposition doit prendre de préférence les trains ordinaires et non ceux d'émigrants, car souvent ces derniers mettent de 4 à 8 jours pour venir de New-York ici ; souvent ils sont arrêtés de jour ou de nuit à des stations intermédiaires, en pleine campagne où l'émigrant ne trouve d'autre logement que le restaurant de la station où toujours il sera rançonné.

 

Tout émigrant, avant son départ, doit savoir son point d'arrêt, avoir écrit à ses compatriotes pour leur demander les lieux et logements où ils devront se rendre à leur débarquement, les lignes qu'ils doivent suivre pour se rendre à leur destination et suivre ponctuellement les renseignements qui leur seront donnés.

 

Les émigrants qui voudront faire le trajet par steamer feront mieux de s'embarquer au Havre que de passer par l'Angleterre, à moins toutefois qu'ils n'aient de l'argent de trop, ou qu'ils ne sachent la langue anglaise.

 

En faisant ce travail, mon but a été de faire connaître et de donner une idée de l'importance commerciale et de l'avenir réservé à cette ville, qui, il y a 20 ans, n'existait pas et qui aujourd'hui possède une population de 80,000 âmes. L'opinion générale est qu'en 1866 elle aura de 400,000 à 500,000 âmes et n'aura plus rien à ambitionner à New-York et à la Nouvelle-Orléans. Si ces deux dernières sont les reines, l'une de l'Atlantique, l'antre du golfe du Mexique, Chicago sera la reine des lacs.

 

Ce mémoire, que j'ai taché de rendre aussi complet qu'il m'a été possible, est basé sur des recherches minutieuses et consciencieuses, sur des documents fournis par des banquiers, des industriels et des négociants de la ville, et enfin sur les statistiques publiées par ordre de l'autorité communale.

 

S'il peut procurer de nouveaux débouchés à mon pays, mon but sera atteint, et je serais heureux d'offrir mon travail au gouvernement.

 

Ci-joint deux cartes : une de la ville et une des chemins de fer de l'Etat.

 

Chicago, le 3 avril 1855.

 

Le consul,

 

ADOLPHE PONCELET