À la grosse aventure (1492-1622) La découverte des Indes occidentales (les futures Amériques), baptisées ainsi par opposition aux Indes orientales (les Indes véritables), désappointa d'abord les promoteurs de l'entreprise, les souverains des royaumes de Castille et d'Aragon, rivaux commerciaux immédiats des Portugais. Ces nouvelles terres, ou plutôt îles, découvertes par le Génois Cristóbal Colón (Christophe Colomb), étaient pauvres et les populations qui y vivaient étaient fort primitives au goût des nouveaux venus. Il y avait certes un peu d'or, mais rien pour remplir les coffres de la Couronne, juste assez pour les Castillans qui colonisèrent peu à peu les plus importantes de ces îles (Hispaniola, Cuba, Jamaica et Puerto Rico), dont ils asservirent les habitants. À partir de ces bases des Grandes Antilles, les Castillans lançèrent toutefois lancer des expéditions de reconnaissance le long du littoral de l'Amérique centrale. L'une d'entre elles menée par Hernan Cortés conduit, au début des années 1520, à la conquête du puissant et prospère royaume des Aztèques. À la suite du Mexique, les Castillans se rendirent maîtres de toute l'Amérique centrale, du Mexique jusqu'au Venezuela. La conquête du Pérou et du Chili, suivant une vingtaine d'années plus tard celle du Mexique, rapporta encore plus d'or, et surtout d'argent, que la première. Toutes ces conquêtes et découvertes attirèrent évidemment les convoitises des adversaires de l'Espagne, en tête desquels se trouvaient la France et l'Angleterre, exclues de ces riches terres par le pape lui-même. En effet, dès 1481, par la bulle Aeterni regis, le pape avait alloué au Portugal toutes les terres situées au sud des Canaries. En 1493, un amendement à cette bulle accorda au Portugal toutes les terres situées à l'est du méridien passant par le 38e degré de longitude ouest, et à l'Espagne toutes les terres situées à l'ouest de ce méridien pour profiter des découvertes de Colomb. Mais, dès l'année suivante, le traité de Tordesillas reportait cette ligne au 46° 37' ouest, ce qui permettra par la suite au Portugal de revendiquer le Brésil. Les premiers aventuriers En juin 1522, maître de Mexico, Cortés avait dépêché
un bâtiment chargé d'une bonne part du trésor personnel
du roi aztèque Moctezuma, dans le but de se gagner la faveur du
jeune roi d'Espagne, l'empereur Charles Quint. Mais, entre les Açores
et l'Espagne, ce navire fut capturé par Giovanni Verrazano, navigateur
et corsaire florentin au service de la France. Financé à
Dieppe par Jean Ango, l'objectif du voyage de Verrazano était beaucoup
plus ambitieux: la découverte d'un nouveau passage par l'ouest vers
la Chine et l'Inde, par l'Amérique du nord. La capture du vaisseau
espagnol n'étant apparemment qu'un incident de parcours, Verrazano
retourna à Dieppe d'où il repartit en janvier 1524 à
dessein d'explorer les côtes des futures colonies anglaises de Caroline
et de New York, remontant probablement au nord jusqu'en Acadie. Un troisième
voyage le conduisit aux Petites Antilles, ces «islas inutiles»
que les Espagnols n'avaient pas daignées occuper et avaient abandonnées
à leurs habitants, les Indiens Caraïbes, qui ont d'ailleurs
donné leur nom à la Méditerranée américaine.
Là, en 1528, sur l'une de ces îles, la Guadeloupe, le navigateur
trouvait la mort aux mains de ces farouches guerriers.
Verrazano n'était sûrement pas le premier marin non-espagnol qui se risquait dans la mer des Caraïbes. En effet, l'année précédent la mort du Florentin, un capitaine anglais, John Rout, dont l'aventure est, de loin beaucoup plus intéressante, s'y était rendu. Après une expédition aux côtes de l'Amérique du Nord, en quête lui aussi d'un passage vers la Chine, Rout s'était dirigé vers les Antilles et s'était présenté, à la fin de 1527, dans le port de Santo Domingo. Les Espagnols se montrèrent assez amicaux envers les Anglais et auraient même eu l'intention d'acheter les marchandises de ceux-ci. Mais, du fort, quelqu'un tira un coup de canon assez prêt du vaisseau anglais pour que Rout prenne le large. Les Anglais revinrent cependant quelques jours plus tard et débarquèrent, au nombre de 30 ou 40 hommes armés, à proximité de la ville. Ils voulurent alors échanger leurs marchandises contre des vivres, ce que les habitants espagnols leur refusèrent. Sur cette réponse, Rout et ses hommes pillèrent la plantation où ils se trouvaient puis se rembarquèrent en promettant de revenir en plus grand nombre se venger de cet affront. Ce premier de contact entre les Espagnols et des marins d'une autre nation européenne en Amérique laisse déjà entrevoir certains aspects des relations qu'entretiendront en temps de paix, au siècle suivant, les flibustiers et les Espagnols. En effet, selon les lois castillanes, tout bâtiment étranger qui allait commercer avec les colonies américaines et qui ne détenait pas de permis émis par la couronne espagnole était considéré comme un pirate. Voilà pourquoi, certains capitaines anglais et français, dont le but premier est en fait le commerce, passeront rapidement aux représailles dès que les autorités coloniales, soucieuses d'appliquer la législation de la métropole, leur refuseront d'exercer cette activité légitime. Les corsaires français Les premiers aventuriers étrangers à tenter fortune en Amérique ne furent pourtant pas tous des contrebandiers. La France étant alors en guerre contre l'Espagne, les corsaires du premier de ces deux royaumes commencèrent à apparaître nombreux dans les Antilles dans les années 1530. Pour la plupart, ils armaient dans les ports de Normandie, à Dieppe plus particulièrement tout comme leur prédécesseur Verrazzano, et aussi dans ceux de Bretagne. Ces marins normands et bretons possèdent déjà une longue tradition des voyages lointains. Avant même l'an 1500, probablement à la suite des Portugais, ils fréquentaient les côtes du Brésil pour y chercher notamment une essence de bois servant à teindre les étoffes en rouge, appelée d'ailleurs «bois de brésilet» et qui aurait donné son nom au pays. Pour gagner l'Amérique espagnole, les corsaires français, fort de leur expérience brésilienne, se rendaient d'abord aux îles du Cap Vert, passaient par le Brésil et la Guyane puis, par les Petites Antilles, entraient dans la mer des Caraïbes. Une fois là, non seulement ils prennaient des bâtiments espagnols mais ils se lançaient à l'attaque des bourgs et des petites villes côtières qui étaient encore très mal défendues. En 1537, une bande de corsaires français mit ainsi à sac Nombre de Dios, dans l'isthme de Panama, et fit une descente dans les Honduras. Trois ans plus tard, ce fut au tour de San German, à Porto Rico, d'être pillée. Plus audacieux, 300 aventuriers s'emparaient de Cartagena, en janvier 1544, faisant 35 000 pesos de butin en or et en argent seulement, étant toutefois moins chanceux devant La Havane, d'où ils durent se retirer après avoir perdu 15 des leurs; tout comme 80 de leurs compatriotes qui furent repoussés devant Santiago de Cuba. Cette même année 1544, toutefois, la France fit la paix
avec l'Espagne. Le roi François Ier reconnut alors la souveraineté
des Espagnols sur la mer des Caraïbes, interdisant du même coup
à ses sujets de la fréquenter. Cela n'empêcha pas les
aventuriers français d'aller y faire la course, sous prétexte
de s'y livrer au commerce. Les hostilités reprirent néanmoins
dès 1552. François Ier confia alors le commandement d'une
dizaine de ses vaisseaux au capitaine François Le Clerc, surnommé
Pie de Palo («Jambe-de-bois») par les Espagnols, car il avait
naguère perdu une jambe en combattant ces derniers. Les colonies
d'Hispaniola et Puerto Rico firen d'abord les frais de cette expédition,
puis ce fut au tour de Cuba. En octobre 1554, un lieutenant huguenot de
Le Clerc, le capitaine Jacques de Sores, à la tête de 300
hommes, pillait ainsi Santiago de Cuba, descente qui lui rapporta 80 000
pesos. En juillet de l'année suivante, il récidiva, toujours
à l'île de Cuba, dont il détruisit presque complètement
la capitale, La Havane.
À partir du traité de Cateau-Cambrésis (1559) mettant fin aux guerres en Italie entre l'Espagne et la France, il fut admis par les deux nations que les particuliers français pourraiennt aller tenter la fortune en Amérique espagnole, à leurs risques et périls, sans que cela ne compromette pour autant la paix en Europe. Ce principe, probablement déjà appliqué dans les années 1540, est résumé dans l'expression contemporaine: «Pas de paix au-delà de la ligne des Amitiés». Cette «ligne» est en fait le méridien passant par l'île Ferro, l'une des Açores, à l'ouest de laquelle tout devient permis pour les aventuriers. Elle va servir de caution aux agressions armées commises, en temps de paix, contre les colonies espagnoles en Amérique par les aventuriers français et anglais, qui ne seront pourtant pas tous des corsaires. Les interlopes anglais Les activités des corsaires français aux Antilles dans les décennies 1530, 1540 et 1550 ont, à coup sûr, éclipsé celles beaucoup moins spectaculaires des contrebandiers anglais qui, successeurs du capitaine Rout, se risquèrent à aller trafiquer avec les colonies espagnoles, avec ou sans l'accord de leur gouvernement. Cependant, eux aussi, seront contraints d'utiliser la manière forte pour obliger les Espagnols à leur accorder le droit de commerce. À compter du milieu de la fin des années 1560, leurs exploits contre les Espagnols leurs vaudront une réputation internationale. Le plus fameux et ambitieux de ces marins marchands était alors John Hawkins. Comme son père et son frère avant lui, il fréquenta d'abord les côtes du Brésil et de Guinée. À l'occasion de ces voyages, il se fit d'influents alliés parmi les notables des îles Canaries, importante colonie espagnole au large de l'Afrique occidentale. De ses contacts avec les Portugais et les Espagnols, il apprit qu'il y avait beaucoup d'argent à gagner en approvisionnant les colonies américaines de l'Espagne en esclave noirs. En 1563-1565, il effectua ainsi deux voyages aux Antilles, dont le second avec le soutien financier secret de la reine d'Angleterre et de ses ministres. Partout où il passait, à Hispaniola et au Venezuela notamment, le capitaine Hawkins était fort bien accueilli tant par les populations locales, négligées par la métropole, que par les autorités coloniales, souvent corrompues, avec lesquelles, en infraction aux lois espagnoles, il traita les nègres qu'il avait achetés en Afrique. Mais l'Anglais cherchait à atteindre un objectif plus élevé que celui de s'enrichir personnellement: il entendait gagner à sa nation une participation légale au commerce des Indes, d'où, par exemple, le fait qu'il acquitta les droits de douanes à chacune de ses transactions avec les Espagnols. Rapidement informé de cette intrusion, le roi d'Espagne porta plainte à la reine d'Angleterre et obtint momentanément l'arrêt du départ d'une troisième expédition sous les ordres de Hawkins. Celle-ci n'en quitta pas moins Plymouth à la fin de 1566, avec à sa tête, à défaut de Hawkins, John Lovell. Ce dernier ayant joint ses forces à ceux d'une petite flotte de contrebandiers français commandée par Jean Bontemps, se rendit à l'île Margarita où il écoula une partie des esclaves qu'il avait pris en Guinée. Mais, au Venezuela même, à Rio de la Hacha, où Hawkins avait reçu un accueil particulièrement chaleureux les années précédentes, un nouveau gouverneur refusa à Lovell la permission de traiter. À la fin de 1567, cette fois avec l'approbation officielle de la reine Elizabeth, qui fournit les deux principaux vaisseaux de l'expédition, Hawkins repartait une nouvelle fois à destination de l'Amérique espagnole. Tout comme Lovell l'année précédente, Hawkins rencontra des problèmes avec les autorités espagnoles qui lui firent maintes difficultés. La situation était aussi envenimée par la présence aux côtés des Anglais de quelques aventuriers français, beaucoup plus intéressés à piller les Espagnols qu'à traiter avec eux des esclaves. En effet, Hawkins fut rejoint notamment par le capitaine Blondel, qui avait participé à l'expédition Le Clerc, une douzaine d'années plus tôt, et par un nommé Guillaume Le Testu, corsaire mais surtout cartographe et navigateur hors pair. Comble de malchance, ce troisième voyage de Hawkins se termina, en septembre 1568, par un combat naval à l'île San Juan de Ulua, devant la Vera Cruz, contre la flotte espagnole. Plusieurs des hommes de Hawkins furent capturés par les Espagnols et le reste, avec leur chef, regagna péniblement l'Angleterre. L'intransigeance de l'Espagne avait empêché les Anglais de commercer pacifiquement: dans les années suivantes ces derniers utiliseront la manière forte. Francis Drake Quoique victorieux dans l'affaire de San Juan de Ulua, les Espagnols n'en restaient pas moins étonnés de la hardiesse de ces marins étrangers qui avaient osé aborder le port de la Vera Cruz, par où transitaient les richesses du Mexique avant d'être expédiées en Europe. Ils ne sont pourtant pas au bout de leurs peines avec les Anglais dans cette seconde moitié du XVIe siècle. En effet, un jeune parent de Hawkins, Francis Drake, va suivre ses traces dans la mer des Caraïbes et se tailler une grande réputation de pirate pour les uns et de fidèle serviteur de la couronne pour les autres. Dès l'année suivant le désastre de San Juan de
Ulua, Drake, financé par Hawkins, entreprennait un voyage (1570-1571)
en Amérique, qui, sous prétexte de contrebande, semble, en
fait, en avoir été un de reconnaissance. Il entra ainsi en
contact avec les Cimarónes, des bandes d'anciens esclaves noirs,
qui avaient fui leurs maîtres espagnols et vivaient en petites communautés
guerrières, disséminées ici et là le long des
côtes de l'Amérique centrale, particulièrement dans
les jungles de l'Isthme de Panama. Ce fut d'ailleurs là, dans le
golfe de Darien, à un endroit qu'il baptisa Port Pheasant, que Drake
enfouit du matériel en prévision de sa prochaine expédition.
Entre-temps, en Angleterre, la reine Elizabeth avait approuvé officieusement (car la guerre ne viendra qu'un peu plus tard) les entreprises de pillage contre le commerce espagnol en Amérique. L'objectif de Drake était de s'emparer ni plus ni point que de la flotte de Terre Ferme, appelée aussi les Galions, transportant vers Séville les trésors du Pérou. Avec des moyens relativement modestes, deux petits vaisseaux et à peine 200 hommes, il revint à Fort Pheasant en juillet 1572. Il y érigea un fortin et y assembla trois pinasses démontées qu'il avait emmenée avec lui, petits bâtiments légers à faible tirant d'eau, fort utiles pour le transport des troupes de débarquement. Et ce premier débarquement Drake le tentait, le mois suivant, contre Nombre de Dios, par où transitaient alors les marchandises du Pérou avant d'être embarquées sur les Galions, et dont l'Anglais s'empara. Mais il dur se retirer presque aussitôt, sur l'insistance de ses hommes, qui, le voyant blessé par une balle espagnole, le forçèrent à regagner leurs bords. Par la suite, Drake se rendit devant Cartagena où il captura un navire espagnol puis il retourna à l'isthme de Panama. Joignant ensuite ses forces à celles du Français Le Testu qui avait échoué son navire en chassant un vaisseau espagnol, et à quelques dizaines de Cimarones, il tentait une nouvelle descente dans les environs de Nombre de Dios, au printemps 1573. Drake et ses alliés se rendirent alors maîtres d'un convoi de mules venant de la ville de Panama et portant l'argent du Pérou vers l'entrepôt portuaire. Le capitaine Le Testu, blessé lors de cette attaque, fut cependant pris par les Espagnols qui n'hésitèrent pas à le tuer. Malgré cette perte, Drake partagea son butin avec les Français de la compagnie de Le Testu puis regagna l'Angleterre où il fut accueilli en héros. Le voyage suivant de Drake en Amérique ne se fit pourtant pas aux Antilles. En effet, il avait décidé d'aller s'en prendre directement à la source des riches espagnoles en Amérique: le Pérou. Ce fut l'occasion de son fameux voyage autour du monde (1577-1580), sur le Golden Hind, dont le plus fameux exploit fut la capture du vaisseau Nuestra Señora de Concepción au large de Valparaiso, prise chargée d'or et d'argent. Fait chevalier par la reine d'Angleterre au retour de cette expédition, Drake passa les années suivantes à élaborer un ambitieux plan de conquête qui devait passer par la prise des ports de Santo Domingo et de Cartagena. Enfin, en 1585, la reine Elizabeth autorisait officiellement la première attaque déclarée de l'Angleterre contre l'Amérique espagnole. En septembre 1585, avec près de 2300 soldats et une vingtaine de bâtiments, Drake appareilla de Plymouth. En janvier 1586, il se présentait devant Santo Domingo, dont il s'empara. Mais cette prise se révèla être peu profitable et il n'obtint que 5% de la rançon qu'il avait d'abord espéré pour cette ville. Drake se tourna alors contre Cartagena dont il se rendit maître aussi à l'exemple de Santo Domingo. Même s'il y fit plus de butin qu'à cette première place, la rançon qu'il tira de la ville est trop médiocre à son goût. Cependant la maladie qui se propagea dans ses équipages et la nouvelle que l'Espagne s'apprêtait à attaquer l'Angleterre forçèrent Drake à abandonner ses projets d'attaque contre Panama et La Havane. En avril 1586, il quittait donc les environs de Cartagena et, en revenant vers l'Europe, il pilla San Agustín, la capitale de la Floride, fondée par les Espagnols deux décennies auparavant. Dans les années suivantes, Drake fut engagé dans la guerre que livra l'Angleterre contre l'Armada espagnole, qui menaça sérieusement le royaume. Ce ne fut qu'en 1595 qu'il repartit à nouveau pour l'Amérique, à la tête de près de 3000 hommes et de 27 vaisseaux. Après avoir été repoussé devant San Juan de Puerto Rico et La Havane, Drake se rendit au Nicaragua puis à Nombre de Dios. Là il apprit que cette place avait été délaissée comme entrepôt pour l'argent péruvien au profit de Puerto Belo. Miné par la maladie, sir Francis Drake mourrut, au large de ce dernier port en janvier 1596, sans que ses troupes n'accomplissent ensuite rien de valable contre les Espagnols. Un nouveau siècle Drake ne fut pas le seul corsaire anglais actif dans les Antilles durant cette période. À partir de 1587, Georges Clifford comte de Cumberland organisa pas moins de onze expéditions de course ou de contrebande en Amérique espagnole. Lors de l'un des derniers d'entre eux, en 1598, Cumberland lui-même s'empara de San Juan de Porto Rico, capture qui lui valut toutefois plus de gloire que de richesses. Au début du nouveau siècle, un autre Anglais, William Parker, mit à sac Puerto Belo, le nouvel entrepôt des richesses péruvien, avec seulement 150 hommes mais sans grand profit car l'argent du Pérou venait d'être envoyé presque en totalité à Cartagena. Cependant, la mort de la reine Elizabeth et l'arrivée sur le trône d'Angleterre du roi d'Écosse fera, suite au traité de Londres (1604) et ce pour quelques dizaines d'années, cesser les armements officiels en course aux Indes occidentales. La même chose se produira du côté français à la suite le traité de Vervins par lequel Henri IV mettra fin à la guerre avec l'Espagne. En dépit de ces traités, l'Espagne n'en demeurait pas
moins sur ses positions et refusait encore à accorder aux marchands
français et anglais le droit de commerce avec ses colonies américaines.
Ainsi le principe «Pas de paix au-delà de la Ligne»
trouva-t-il, plus que jamais, sa justification, principe d'ailleurs reconnu
par une clause secrète du traité de Vervins entre la France
et l'Espagne. Dans les 20 premières années du XVIIe siècles,
les aventuriers français, plutôt corsaires que contrebandiers,
surtout normands, encore, qui ont pour noms Aigremont, Pontpierre, Fleury,
Saint-Georges, Chauvin et autres, vont troubler le commerce espagnol dans
les Antilles en association tantôt avec quelques Anglais, car ils
sont moins nombreux désormais à aller dans ces mers, tantôt
avec des Néerlandais, nouvel ennemi avec lesquels devront désormais
compter les Espagnols. Certains de ces capitaines ou de leurs hommes qui
sont ce que l'on peut qualifier de premiers flibustiers français,
jetteront, avant même la fin des années 1620, les bases de
la colonisation non-espagnole dans les Antilles.
En effet, ce n'était pas seulement la présence de contrebandiers et de corsaires dans mers des Caraïbes qui inquiétaient le roi d'Espagne mais aussi l'éventualité de la fondation de colonies étrangères à la périphérie de son empire des Indes. Déjà au siècle précédent, quelques centaines de protestants français s'étaient établis au nord de la Floride, dans l'actuel état de Caroline du Sud. L'amiral Pedro Menéndes de Avilés, qui avait précédemment réorganisé et dirigé les flottes aux trésors, mit un terme dramatique à cette entreprise française, en 1565, en mettant à sac la petite colonie baptisée Fort Caroline en l'honneur du roi Charles IX, et en massacrant tous les habitants qui n'avaient pas réussi à prendre la fuite. En s'exécutant, il prit soin de spécifier que ce n'était point contre les Français qu'il agissait ainsi mais contre des hérétiques. Cette action va contribuer grandement dans l'esprit des rivaux de l'Espagne à grossir et même exagérer la réputation de cruauté des Espagnols en Amérique. De là, elle servira de prétexte à presque toutes les agressions de représailles entreprises par des corsaires, des pirates et contrebandiers étrangers, en temps de paix, jusqu'à la fin du XVIIe siècle. Dans le milieu des années 1620, après des tentatives plus ou moins heureuses en Guyane, les Anglais et les Français vont pourtant commencer à s'implanter dans les Petites Antilles, ces îles inutiles, dédaignées des Espagnols, desquelles ils chasseront graduellement les Indiens Caraïbes. Plus importante cependant sera, jusqu'au milieu du siècle, l'action des Néerlandais contre les Espagnols en Amérique. À la fois pirates, rebelles et hérétiques, ces anciens sujets du Habsbourg qui occupe les trônes de Castille et d'Aragon depuis un siècle déjà livreront à ce maître d'hier une guerre impitoyable. |
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